Carthagène 7 – 21 Octobre 23

C’est une escale que nous avons en tête depuis un moment à plusieurs titres. Nous avons vu de nombreux bateaux voyageurs s’arrêter là avant nous, telle une étape incontournable, et en repartir conquis par une ville chargée d’histoire, animée, et remplie de marins en transit. Nous avons prévu de faire pas mal de travaux et avons passé de multiples commandes expédiées en France, que mes parents nous ramèneront à l’occasion de leur visite. Les enfants se réjouissent de revoir leurs grands-parents et nous aussi!

Nous quittons Formentera le 6 Octobre 2023 à 13h15 pour une navigation de 130 miles environ. Damien met la traîne avec le Royal, le leurre fétiche qui a permis la pêche miraculeuse. Tout d’un coup je le vois s’agiter et se jeter sur la canne qui plie brutalement dans ce bruit caractéristique de fil qui se déroule zzzzzzzzzzz! Nous sommes passés juste à coté d’un long filet dans lequel le leurre s’est immanquablement pris. Damien bloque le frein pour stopper le déroulement du fil alors que le bateau file et la canne plie de plus belle. Il a à peine le temps de se saisir du couteau que le fil casse, laissant derrière nous notre Royal, au grand désespoir des enfants et de leur père. Notre préoccupation suivante est de savoir si nous avons gardé une partie de filet dans l’hélice, mais nous sommes à la voile, il nous est difficile d’écarter formellement cette éventualité sur le moment.

Nous poursuivons sans encombre, et passons le méridien de Greenwich dans la nuit. Notre position GPS est désormais Nord et West.

A l’approche de Carthagène le vent tourne devenant totalement arrière, ce qui nous oblige à tirer des bords et empanner à plusieurs reprises. Les derniers miles nous paraissent interminables. Nos zigzags effrénés croisent régulièrement la route d’un petit voilier sous grand voile seule faisant route directe au vent arrière que nous ne parvenons pas à doubler, malgré nos efforts. De quoi sérieusement agacer l’équipage, enfin une personne en particulier…

Nous atteignons finalement le Yacht port Cartagena le 7 Octobre au soir, et manoeuvrons sans encombre pour faire entrer le bateau dans la toute petite place qui nous a été attribuée. Le port est assez grand. On y trouve des voiliers en transit et d’autres en hivernage, c’est aussi une escale pour les paquebots de croisière. Les sanitaires sont récents et propres, une salle de détente avec tv est à disposition des plaisanciers. Cette salle est également une véritable caverne d’Ali baba, car elle dispose d’une grande table sur laquelle les marins déposent ce dont ils dont ils n’ont plus l’usage, et chacun peut se servir selon ses besoins.

Le lendemain, nous faisons un premier tour de la ville. Nous avons du mal à reconnaitre les descriptions de Carthagène que nous avions lues. Nous marchons dans des rues désertes aux enseignes fermées, nous traversons des terrains vague au détour de rues qui nous paraissaient centrales, tout semble mort au fin fond d’une ville provinciale du Sud de l’Espagne. La déception se mêle au désarroi, jusqu’à ce que nous reprenions espoir en réalisant que nous sommes dimanche…

Le 10 Octobre, mes parents arrivent. Ils ont fait le trajet depuis la France en voiture, chargés de toutes nos commandes, dont nous ne nous rappelons plus précisément pour certaines! Nous sommes très heureux de retrouver la famille, et en plus on a plein de surprises! Les enfants partent avec leurs grands parents à quelques kilomètres du port pour une semaine de chouchoutage intensif.

De notre côté, c’est parti pour une semaine (finalement deux!) de travaux divers et variés.

Damien commence par la vidange, changement des filtres. En faisant tourner le moteur après la vidange, il constate un peu d’eau de mer dans le fond. Il inspecte le filtre à eau de mer, il était peut-être mal resserré.

Nous nous attaquons ensuite à l’ajout de panneaux solaires flexibles sur le bimini. Nous avons déjà 440 watts de panneaux back contact orientables sur le portique, mais ça ne suffit pas à recharger nos batteries lorsqu’il fait gris ou après une navigation entièrement à la voile et au pilote. Nous changeons par la même occasion le controleur de batteries pour un Victron BMV 712 qui permet de suivre l’état des batteries en bluetooth et dispose d’une mémoire des évènements.

Nous avions commandé tout un tas de choses, y compris des tenax pour fixer les panneaux sur le bimini, mais il en manque toujours. Nous partons donc à la recherche des fournitures manquantes et de grosses fermetures éclair avec une maille de 10 mm pour faire une rallonge de bimini. Nous écumons toutes les merceries de la ville sans succès, ce qui ne nous réconcilie pas particulièrement avec cette f…ue Carthagène. Il n’y a même pas une voilerie dans la ville. Lorsque nous revenons au port, nous passons devant la Casa Angel, et là, c’est la révélation! C’est plutôt un magasin de tissus et de confection outdoor, mais ils auront absolument tout ce que nous leur demanderons à chacune de nos visites quotidiennes!

Nous avons dû meuler les tiges des Tenax à la dremel car les oeillets des panneaux ne permettaient pas de les rentrer suffisamment.

Nous avons impermeabilisé le bimini avant de fixer les panneaux. Nos (petits renforts) n’ont pas résisté aux 50 noeuds de vent dans le port le jour suivant, et j’ai du refaire des (gros) renforts avec sunbrella et toile plastifiée le soir même. Une fois sailrite sortie, j’en ai profité pour faire de belles moustiquaires et la rallonge du bimini pour les futures journées ensoleillées…

Nous avons profité de la famille, avec une petite pause terrestre.

Dans les gros dossiers de cette semaine technique, il y avait aussi le changement du pilote automatique. Nous avions prévu de le changer pour partir avec un neuf, même si l’ancien ne nous avait jamais fait défaut, tout au plus un léger grincement du vérin hydraulique. C’est probablement pour cette raison que nous avons traîné à l’installer. Mais cette fois, il fallait le faire! Je suis retournée incidemment sur le site de Raymarine pour chercher des notices complémentaires, et là, stupeur, j’ai vu un petit bandeau de haut de page évoquant un rappel produit pour les acu 400, notre calculateur de pilote… Arghhh! En cliquant sur le bandeau, la fenêtre ouverte précisait qu’il fallait immédiatement cesser de se servir dudit pilote et contacter notre revendeur Raymarine. Ha Ha. La dernière lueur d’espoir s’est éteinte lorsque j’ai vérifié les numéros de série concernés et que notre pilote était dans la liste.

L’ascenseur émotionnel nous a instantanément conduit au – 50. Qui allions-nous contacter à Carthagène pour changer notre pilote? Comment allions-nous expliquer ça en espagnol? Pourquoi n’avions-nous pas été mis au courant plus tôt, alors que le rappel datait de fin Juillet? Toutes ces questions nous ont transitoirement empêché de penser rationnellement, d’autant plus qu’une fenêtre meteo pour aller vers Gibraltar se profilait dans les 72h.

Nous avons d’abord contacté le site internet de matériel nautique sur lequel nous avions acheté le matériel. Ils n’étaient pas au courant! J’ai cherché sur internet d’autres mentions de ce rappel, dans des forums, ou sur d’autres sites, et je n’ai rien trouvé. C’était un rappel pour le moins confidentiel… Damien a contacté Raymarine France, qui lui a confirmé qu’il ne fallait surtout pas se servir de ce pilote qui pouvait défaillir à tout instant! De mon côté j’ai cherché les revendeurs locaux, et j’ai appelé Raul à La Manga, commune située à une trentaine de km sur la mar minor. Raul s’est révélé fort sympathique et anglophone, mais n’avait pas d’acu 400 en stock pour nous changer le nôtre. Il ne pouvait pas nous garantir de l’avoir avant notre fameuse fenêtre météo. J’ai ensuite contacté un revendeur à La Linea, coté espagnol de Gibraltar, ce qui me semblait plus simple en termes de douane. Mais mon interlocuteur ne parlant qu’espagnol, cette piste a tourné court. Le support Raymarine France nous a alors fortement recommandé de contacter Sheppard, le revendeur de Gibraltar côté anglais. Ils ont été très réactifs et ont immédiatement commandé un nouvel acu 400, tout en nous enlevant toute pression liée aux aléas de la navigation: aucun problème si nous n’arrivions pas dans les délais convenus. Ce problème semblait en voie de résolution, mais nous n’avions toujours pas installé notre nouveau pilote, alors que l’Atlantique se rapprochait.

La fenêtre météo se confirmant, Damien décida de refaire tourner le moteur, suite à cette histoire d’eau de mer. Son verdict ne nous épargna pas une nouvelle descente en ascenseur émotionnel. La fuite venait du capot de la pompe à eau de mer, plus précisément d’une vis cassée dans son pas. Bon, ça ne devait pas être un problème insoluble, il fallait juste arriver à extraire la pompe du moteur pour la réparation.

Un « juste » en bateau prend la plupart du temps des heures, parfois des jours et il arrive qu’il prenne des airs de problème insoluble. Damien n’arrivait pas à extraire cette pompe. Nous avons épluché les éclatés du moteur, cherché dans les manuels d’atelier et alpagué un mécano qui passait sur le port. Il ne voyait pas comment faire, il a appelé un de ses collègues en visio, mais non. Cette pompe ne voulait pas sortir de son logement. C’est alors qu’il nous a dit de contacter Rojo (l’entendre avec le R qui roule et le J qui racle). Il fallait demander Rojo à la capitainerie. Nous étions jeudi après-midi et avions prévu d’appareiller samedi matin.

Rojo a déboulé sur le bateau le soir même. Il voyait bien le problème et semblait même voir la solution. Il est revenu le lendemain matin avec ses outils. Il a dégagé la récalcitrante, l’a embarquée avec lui et nous l’a ramenée le soir même vers 19h rutilante et fonctionnant à merveille. Si seulement il pouvait y avoir un Rojo à chaque problème!

Nous avons profité un peu de Carthagène, pas mal de la famille, mais nous avons aussi fait des tours d’ascenseur, et réussi l’exploit de ne visiter aucun musée! C’est ainsi, et maintenant cap vers Gibraltar!

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